Même si on la connaît mieux sous son autre nom « d’île de Pâques », une référence à la date à laquelle le premier explorateur européen, le Hollandais Jakob Roggeveen, en a foulé la terre, Rapa Nui est sans doute l’une des destinations de voyage les plus marquantes d’une vie.
D’abord pour son cadre, c’est vrai. Rapa Nui est en effet l’un des territoires les plus isolés du monde : l’île habitée la plus proche ne se trouve qu’à plus de 2000 kilomètres de là. Imaginez que l’homme le plus proche de vous hors de l’île est parfois… l’un des cosmonautes à bord de l’ISS !
Rapa Nui, ou l’île de Pâques, c’est aussi une histoire extrêmement riche et encore partiellement mystérieuse. En effet, à l’exception des célèbres moaïs, ces grandes statues de pierre anthropomorphes, les témoignages tangibles de l’histoire de ses populations d’origine polynésienne sont très rares, pour ne pas dire inexistants.
Exemple avec l’un des rituels-clés de l’histoire de l’île : le rite de l’Homme-oiseau.
L’Homme-oiseau, le deuxième roi de Rapa Nui
Si le culte des ancêtres sur l’île de Pâques, dont les moaïs constituent encore le symbole visible, remonte probablement entre les treizième et les quinzième siècles, celui de l’Homme-oiseau est plus récent, aux alentours du dix-huitième siècle. Ou du moins a‑t-il perduré jusque-là, car on ne sait pas vraiment si les deux cultes ont pu coexister ou non.
À cette époque, la société rapa nui est organisée en plusieurs clans sur l’île, gouverné par un roi commun, l’ariki nui, qui incarne tous les pouvoirs. Tous, sauf un : celui d’arbitrer les conflits entre les clans, qui étaient nombreux…
Ce rôle d’arbitre, quant à lui, était occupé par « l’Homme-oiseau » (Tangata manu, en rapa nui). Un homme sacré, entouré d’interdits (les tapus polynésiens), représentant du dieu Maké-maké qui aurait peuplé l’île, représenté sous les traits d’un homme à tête d’oiseau.
Une cérémonie pour désigner le Tangata manu
Chaque année, généralement au printemps, chaque clan désigne son concurrent, qui sera ensuite représenté au cours du rituel par un serviteur, le hopu, de moindre importance sociale. La population se rassemble alors au niveau de la pointe sud-ouest de l’île, sur les bords du volcan Rano Kau, dans le village d’Orongo.
Les concurrents prennent place dans leur maison de pierres qui donne sur les falaises plongeant vers le Pacifique. Pendant ce temps, les hopus seront investis d’une mission plus délicate : ils devront descendre la falaise, nager sur plus d’un kilomètre en direction du Motu Nui, grimper sa falaise sur une hauteur d’environ 250 mètres puis trouver le nid d’une sterne afin d’y attendre patiemment sa ponte.
Le hopu qui récupère ainsi un œuf de sterne, le premier pondu de l’année, doit se rendre vers le point le plus haut du motu et se signaler, en criant, auprès de son maître resté à Orongo. Les autres hopus, perdants, regagnent alors les rives de l’île principale à la nage, mais le hopu victorieux n’en a pas encore fini avec les défis…
Car il devra lui aussi revenir jusqu’à Orongo, à la nage et en escaladant la falaise à mains nues, afin de ramener l’œuf qu’il doit, bien évidemment, conserver intact. Une fois l’œuf en main, son maître est alors désigné, pour un an, tangata manu ou l’Homme-oiseau.
Un rituel disparu… sauf dans la mémoire de Rapa nui
Comme la plupart des traditions ancestrales de l’île de Pâques, le rituel de l’Homme-oiseau a aujourd’hui disparu. On rapporte qu’il se serait tenu pour la dernière fois en 1866, selon le témoignage du missionnaire français Eugène Eyraud.
C’est à cette période qu’une série d’évènements touchera durablement la culture rapa nui. L’île de Pâques attise la convoitise, notamment de marchands d’esclaves. Ces échanges contribueront à introduire sur le territoire des maladies qui ravageront la population autochtone. On estime qu’à la fin des années 1870, la population de l’île de Pâques n’est plus que d’une centaine de personnes à peine.
Petit à petit, la population se reconstruit, notamment grâce à l’arrivée d’ouvriers agricoles et de missionnaires en provenance de Polynésie française. Mais avec d’autres rites, d’autres cultures, et une autre religion : le christianisme.
Toutefois, à la fin du vingtième siècle, le peuple rapa nui prend conscience de la nécessité de se réapproprier son histoire. Depuis 1975, le festival tapati se déroule ainsi chaque année sur l’île de Pâques.
À travers ce qu’on pourrait assimiler à des joutes sportives, la population, et notamment ses plus jeunes représentants, renoue avec ses traditions et les perpétue, y compris celle de l’Homme-oiseau.
Informations pratiques
- Le village d’Orongo est à une quinzaine de minutes de route au sud de Hanga Roa, la seule ville de l’île de Pâques.
- Comme sur tous les sites classés de l’île, vous devrez présenter un billet d’entrée au parc national de Rapa Nui, qui peut s’acheter à l’aéroport dès votre arrivée. Respectez les règles pour veiller à préserver ces sites d’exception, pour la plupart sacrés.
- Le billet permet une seule visite du site d’Orongo.
Cet article a été rédigé sur la base d’un voyage effectué en septembre 2018.
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